Nos bouquins préférés
Famine au Sud, malbouffe au Nord (Marc Dufumier)
Le sous-titre indique la thèse de l’auteur : « Comment le bio peut nous sauver »
L’auteur, un des principaux experts mondiaux, dresse un panorama complet des désordres agricoles internationaux. Et il dessine une alternative crédible : l’agroécologie, dont l’agriculture bio est un élément central. Saluant les initiatives en France des agriculteurs bio, des AMAP, du réseau Kokopelli, il plaide pour la mise en place urgente, à l’échelle de l’Union Européenne, d’une politique de prix agricoles favorables à l’essor d’une agriculture durable et bio.
C’est un plaidoyer particulièrement compétent et convaincant, nourri par une connaissance détaillée de la situation des multiples terroirs agricoles de la planète, Selon ses analyses, en 2050, les 9 milliards d’humains pourront se nourrir… grâce à l’agriculture biologique.A lire sans modération !
Voyage dans l’anthropocène-Cette nouvelle ère dont nous sommes les héros (Claude Lorius-Laurent Carpentier)
Claude Lorius, glaciologue, pionnier des recherches sur le climat et lauréat du « Blue Planet Prize » (une sorte de Nobel de l’écologie) raconte son expérience et livre ses réflexions.
Son expérience, c’est d’avoir compris, à partir des carottages des glaces de l’Antarctique, puis prouvé, que le climat se réchauffait à une vitesse jamais connue par le passé, et que la raison en était la civilisation industrielle. Il a évidemment largement participé aux travaux du GIEC.
Ses réflexions, partagées par de nombreux scientifiques (des vrais, ceux qui s’inclinent devant les faits, pas des « experts » à grandes dents et grande bouche comme Claude Allègre), le conduisent à considérer qu’aujourd’hui le principal agent de modification de la surface terrestre est… l’homme. Ce qui justifie, au regard des définitions géologiques, la reconnaissance de l’ouverture d’une nouvelle ère : l’anthropocène. En même temps, cela implique que l’avenir de la planète (et de la vie, et de l’humanité) est entre les mains de l’homme.
Un point de vue asez pessimiste, quand on fait le bilan du comportement de celui-ci…
Pourquoi j’ai mangé mon père (Roy Lewis)
Un petit bouquin super-marrant. Imaginez : vous êtes au Pléistocène, avec votre petite famille qui voudrait bien trouver une caverne confortable, occupée malheureusement par ces grands salopards d’ours des cavernes (ça vous permettrait d’éviter les récriminations du reste de la famille sur des conditions de logement détestables) et vous raisonnez comme un pékin d’aujourd’hui. Votre beau-frère, un affreux réac, continue à vivre dans les arbres et vous casse les oreilles sur toutes vos atteintes à la tradition, etc…
Outre son humour décalé, ce petit bouquin est préfacé par Vercors (qui l’a traduit), dont presque personne n’avait plus entendu parler depuis « Le silence de la mer » ; et il est dit qu’il a failli faire mourir (de rire) Théodore Monod. Alors, avec des parrainages comme ceux-là, pas de scrupules à prendre quelques minutes de (très) bon temps.
La société conte l’Etat (Pierre Clastres)
C’est un recueil d’articles d’anthropologie sur les « peuples premiers » de l’Amérique, surtout amazonienne.
Un chapitre très stimulant raconte ces tribus où le chef est tenu de faire un discours tous les matins – discours que tout le monde fait semblant de ne pas écouter – mais faute de quoi il est « débarqué » et remplacé.
Clastres avance que ces sociétés ont perçu le risque de création d’un véritable pouvoir, qu’elles ont compris le rôle de la parole dans son établissement, et qu’elles cherchent à s’en prémunir.
Ceci conduit à deux réflexions : d’une part (et la comparaison avec d’autres sociétés amazoniennes semble le confirmer) que ce n’est pas la division du travail ou l’inégalité des richesses qui a entraîné stratification sociale et inégalités, mais que c’est l’ancrage d’un pouvoir politique stable, bientôt héréditaire, qui est la base originelle de l’inégalité sociale. Intéressant, non ?
D’aure part, sur le rôle de la parole (de la « belle parole » et des « beaux parleurs ») ; h bien, voyez nos campagnes électorales, alors qu’en dites-vous ?
Un autre chapitre estime le coût humain de la conquête des Amériques : selon lui, près du tiers de l’humanité a péri dans ce sombre XVIème siècle en Amérique.
Le triomphe de la cupidité (Joseph E. Stiglitz)
L’auteur, prix « Nobel » d’économie (en fait, prix financé par la Banque de Norvège et fondé par elle), est l’un des rares économistes célèbres à nous mettre en garde contre le fanatisme du marché et de la déréglementation, et contre la financiarisation de l’économie.
Il avait annoncé cette crise mondiale dont on ne sort pas. Il en démonte les racines, les circonstances du déclencement ; il analyse les mesures prises par les politiques et démontre leur insuffisance ou leur orientation erronée ; il prédit le renouvellement des mêmes soubresauts et appelle à remettre en cause les fondements de l’économie mondiale. Subprimes, indépendance des banques centrales, après la lecture, on a l’impression d’avoir tout saisi.
Mais s’il dénonce – vivement – la prise en otage de la démocratie par le système financier, son enrichissement au prix de l’appauvrissement de centaines de millions de citoyens, il reste muet sur le rôle des multinationales de l’économie réelle (et non financière) dans la remise en cause des acquis sociaux ; et il ne dit pas un mot du pillage des ressources planétaires par ce système devenu fou.
Un livre éclairant, mais sur une petite partie seulement des questions qu’il nous faudra résoudre.
Notre poison quotidien : La responsabiité de l’industrie chimique dans l’épidémie des maladies chroniques
Cet ouvrage de Marie-Monique Robin a donné lieu, comme « Le monde selon Monsanto » à un documentaire projeté par Arte (documentaire dont je ne sais si on peut se le procurer). Hyper-documenté, plein de références, il traite 3 aspects complémentaires :
1. Les maladies chroniques, dont les cancers (un chapitre entier éclaire cette question), ont fortement progressé depuis la « révolution chimique » ;
2. Ceci est imputable aux divers herbicides, insecticides, pesticides utilisés en agriculture, mais aussi aux additifs alimentaires, résidus de leur fabrication ou emballage etc. ;
3. Les organismes gouvernementaux ou internationaux chargés de la protection des agriculteurs, ouvriers et consommateurs sont très largement pénétrés par les lobbies industriels, qui obtiennent un quitus quasi-permanent à leur conduite criminelle.
L’ouvrage regorge d’interviews de responsables actuels ou anciens de la FDA, de l’OMS, de chercheurs spécialisés des plus grandes universités. Le déluge d’accusations qu’il contient n’a donné prise à aucun procès – c’est dire la sûreté du propos.
Très impressionnant !